Cette première journée s’achève
donc par une promenade à la plage de Kirinda. Pour y parvenir, notre petite
équipée prend des allures d’expédition, lorsque la piste empruntée croise un
couple de buffles à l’attache qui nous barre le chemin. Au risque de rester
embourbé notre chauffeur est contraint de stopper devant les ruminants qui
n’ont pas l’air de vouloir nous céder le passage. C’est la caractéristique de
tous les animaux que nous avons rencontrés sur cette île de l’océan indien :
une certaine nonchalance ; une façon de considérer que la place qu’ils
occupent est la leur et qu’il n’y a pas lieu de changer les choses ! Quand
le buffle est couché dans la rizière pour profiter de la fraîcheur, je n’y vois
pas d’inconvénient. Lorsqu’il divague sur la route ou bloque le passage de
notre véhicule, je pense q’une négociation doit être menée. C’est Kumara qui se
porte volontaire pour la démarche diplomatique. N’écoutant que son courage et
conscient de la mission dont il est investi, il descend du minibus pour entamer
le dialogue.
Après quelques tentatives de persuasion douce, il passe à la
vitesse supérieure et à l’aide d’une branchette qu’il agite frénétiquement,
arrive finalement à écarter la gent bovine, libérant ainsi l’accès à la plage
convoitée. Avant d’aller cheminer le long de l’océan, nous faisons une halte
dans une prairie adjacente, peuplée de quelques vaches qui restent à l’écart et
de quelques chiens errants attirés par notre équipage. Assis dans l’herbe nous
dégustons avec appétit les sucreries apportées par Malani, le tout arrosé d’une
boisson ayurvédique aux vertus médicinales. Cela a la couleur du thé, un peu le
goût du thé mais cela n’est pas du thé, bien que nous soyons sur Ceylan (ancien
nom du Sri Lanka). C’est en tout cas excellent et lorsque tout le monde est
rassasié, nous empruntons le sentier qui
mène à l’océan. Nous sommes à l’endroit même où la rivière Kirinda se jette
dans l’océan. Le panorama est grandiose dans sa simplicité et sa pureté. La
plage est quasi déserte, nous ne croisons que deux pêcheurs afférés autour de
leur embarcation traditionnelle.
Nous laissons nos chaussures sur une souche
d’arbre rejetée par l’océan et descendons vers le rivage pour un bain
de pied
improvisé. Sandeepa court dans l’écume et me rapporte des coquillages avant de
rejoindre sa grand-mère dans un éclat de rires. Depuis que nous sommes arrivés
le ciel s’est assombri côté terre, alors que côté mer le soleil continue de
briller en cette fin d’après-midi. Cela donne une impression irréelle de fin du
monde d’une grande beauté que les photos rapportées ne peuvent complètement
restituer. Cette dualité m’amène à repenser au tsunami de décembre 2004. Je
m’interroge sur la perception qu’on tous ces sri lankais par rapport à cet
océan qui leur a tout pris il y a 3 ans ½. Pas de rancune visible, pas de peur
résiduelle ? Manifestement la vie a repris ses droits et il faut sans
doute avoir vécu ce genre de catastrophe pour comprendre cela. Ce changement de
temps incite quand même notre chauffeur à sonner le rappel, car il redoute un
déluge qui rendrait la piste empruntée à l’aller, impraticable au retour. Le
retour se passe en silence, chacun perdu dans ses pensées. Sandeepa, toujours
assise à côté de moi me regarde de temps en temps en souriant ; elle
paraît fatiguée après cette journée particulière. L’instant des adieux
approche, nous arrivons à la maison. Tout le monde descend et se salue une
dernière fois. Sandeepa s’éclipse très vite avec ses petits voisins, sans doute
pour leur raconter sa journée. Nous prenons congé de Munidasa et Malani en les remerciant pour
leur accueil et en les assurant de notre soutien futur. Nous remontons dans le
minibus en direction de l’hôtel. Je remercie Hemali et Kumara pour cette merveilleuse journée, sur la route
du retour nous essuyons l’averse qui menaçait depuis la plage. Nous constatons
la soudaineté, la densité et la brièveté de ces pluies de mousson. Un quart
d’heure plus tard le soleil refait son apparition, la température n’a même pas
chuté. Une demi heure après le sol est déjà sec ! Cela change de nos
bruines bretonnes…
Tout à coup le chauffeur stoppe le véhicule et nous indique
un point, à environ 80 mètres devant nous. Au beau milieu de la route, nous
distinguons un magnifique éléphant sauvage, sans doute un mâle vu la taille
impressionnante même à cette distance. Je décide très vite de descendre pour
prendre une photo ; mais malgré cela je ne peux saisir que sa croupe sur
la pellicule, car après nous avoir toisé quelques instants, il a poursuivi son chemin
d’une démarche majestueuse. Nous rencontrons quelques centaines de mètres plus
loin, une famille de ces pachydermes occupée à manger à une cinquantaine de
mètres de la route, entre les arbres. Ces moments sont d’autant plus émouvants
que ce sont des animaux sauvages découverts tout à fait au hasard. Ils vivent sans
doute dans le parc de Bundala que nous longeons pour rejoindre l’hôtel. Ce parc
est une réserve ornithologique de tout premier ordre, mais les éléphants
sauvages y trouvent sans doute la quiétude nécessaire. Arrivés à l’hôtel nous
prenons rendez-vous avec Hemali et Kumara pour le lendemain à 09h00. Une autre
journée de visites (et de surprises) nous attend.
En rejoignant notre chambre, nous
mesurons le gouffre entre le confort à l’occidental de cet établissement trois
étoiles et les conditions de vie précaires des familles que nous avons
rencontrées. Mon engagement pour le parrainage s’en trouve passablement
renforcé. Cette sensation de se sentir un peu « utile » sur cette
bonne vieille terre nous procure un bien-être particulier, une grande
satisfaction et un peu de fierté dans le bon sens du terme.
Commentaires
1 sophie Le 05/05/2009